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Quelques précisions

 

Malgré leur notoriété et une bibliographie abondante, l’étude des Fang demeure délicate encore aujourd’hui, que ce soit du point de vue historique, sociologique ou artistique. De nombreux points divisent encore les auteurs qu’il convient de traiter au préalable.

Le tout premier point consiste à cerner avec précision le groupe Fang. En effet, le terme “ Fang ” fait l’objet d’une discussion infinie qui ouvre la plupart des études. “ Pamouay ” est le premier terme utilisé pour désigner un groupe situé dans l’intérieur, au-delà des villages courtiers. Il apparaît en 1819 ( 3), avant d’être adopté par les Espagnols qui le transforment en “ Pamue ”, par les Allemands : “ Pangwe ”, et par les Français : “ Pahouin ”, trois traductions phonétiquement proches de l’origine, les Français ayant nasalisé le phonème final. Quelle qu’en soit sa traduction, “ Pamouay ” est aussi inapproprié que “ Eskimo ” pour les Inuit. En réalité, “ Pamouay ” vient de “ Mpangwe ” donné par les Mpongwe, habitants des rives de l’Estuaire de Gabon, signifiant, en langue vernaculaire, “ je ne sais pas ”, indiquant ainsi qu’ils ne savent pas comment se nomme le groupe. Pendant près de quarante ans, “ Pahouin ” est utilisé dans la plupart des écrits. Il faut attendre 1861 pour qu’il soit dénoncé pour la première fois ( 4).

Avant de se désigner comme tels, les Fang se reconnaissent d’abord dans une appartenance à un clan, ayong, Nkodjeign, Efak, Yendzok, etc. Or, pour des raisons sans doute simplificatrices, les auteurs ont reconnu, entre l’ensemble “ Fang ” et les clans, un sous-groupe intermédiaire, celui des tribus qui seraient, au Gabon, les Betsi, les Okak, les Ntumu, les Nzaman, les Meke et les Mvai. Si elles reposent sur une réalité, elles ont néanmoins le redoutable désagrément de s’interpénétrer au niveau des clans, ce qui réduit leur pertinence. L’autre trouble vient de ce que les clans peuvent prendre plusieurs noms, selon la localisation géographique de ses représentants, tantôt s’écartant d’une simple prononciation, Ekodjé ou Nkodjeign, tantôt changeant radicalement : Nkodjeign, Efak, Yevo, tandis que d’autres clans quoique absolument distincts, portent des noms très similaires, Efak et Effak, ce qui multiplie les risques de confusion. Enfin le chevauchement des clans au-delà des frontières coloniales étalent parfois les liens familiaux entre Gabon, Guinée Equatoriale, Cameroun et Congo, se connectant alors aux ethnies voisines, ce qui évidemment rajoute à l’imbroglio ethnographique.

 

 

Figure 1 : Répartition géographique des groupes Fang, Bulu et Beti (Perrois, 1972, p. 102).

 

Encouragés par une apparente unité culturelle, certains auteurs se sont basés sur ces liens transfrontaliers pour consacrer leurs travaux à l’association des Fang, des Beti et des Bulu, dans un groupe dont le nom reprend le terme originel de “ Pahouin ”, comptant 814 000 individus ( 5), auxquels s’ajoutent parfois les Ngumba, les Djem et les Ndzimou. Bien que certains particularismes ethniques soient reconnus sans ambiguïté, la démarche tend à introduire dans les esprits une unité de fait, avec le danger, à court ou moyen terme de gommer de la mémoire ces particularismes. Or la situation se dégrade rapidement, les valeurs occidentales triomphent, la tradition orale s’éteint. Aussi, devant l’urgence, convient-il d’adopter une démarche opposée en restreignant l’étude aux seuls Fang du Gabon.

La tâche n’en est pas plus aisée. En abaissant le regard à un groupe, elle oblige à une observation plus aiguë, en même temps qu’elle définie des limites plus étroites en posant notamment la question des clans et des tribus. A ce titre, le cas des Meke est représentatif. La liste des ethnies du Gabon, établie par le département d’anthropologie de l’Université Omar Bongo de Libreville en 1998, intègre les Meke au groupe Fang, tout en préconisant la dénomination “ Shiwa ”. Le terme est ancien puisqu’il remonte au moins aux années 1860, sous des formes diverses : Sheba, Osheba, Ossyeba, Shiibi, Shiwè, etc. Mais la parenté des Meke ou Shiwa avec les Fang, origine commune, assimilation ou métissage, fait encore l’objet de discussions entre phonologues. Ils se distinguent de l’ensemble du groupe fang, notamment par une formule propre pour commencer les phrases : ils disent “ ma ki na ”, tandis que les Fang disent “ ma zo na ”, ce qui signifie, dans les deux cas, “ je dis que ”. La formule est en usage chez d’autres groupes gabonais. Les Mpongwe par exemple, disent “ mi è nè ”, ce qui a donné le nom de leur groupe ethnique, les Myene. Quant au groupe des “ ma zo na ”, les théories ne sont pas moins contradictoires. Pour les uns, les Betsi représenteraient le groupe fang par essence, qui porterait la culture originelle, la langue la plus pure. Pour d’autres, ils s’agiraient des Ntumu. D’autres encore considèrent que les Ntumu ne sont pas Fang.

En attendant que ces points soient éclaircis par des spécialistes, l’humilité oblige l’historien à se contenir dans une étude sur les Fang du Gabon en général, regroupant “ ma zo na ” et “ ma ki na ”, tout en versant à la discussion les éléments qui pourront se présenter.

 

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zuedebomame

Moôn ye Bitam

 

 

Tag(s) : #Fang - Beti
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